(UN) Elle est tout pour lui, elle représente son avenir, son passé et son présent. Jamais il n'est loin d'Andromaque, il adule et vénère celle qui fit de lui un Macbeth. Il mourra pour la protéger de ceux qui voudraient attenter à sa vie. (DEUX) La Cour des Miracles est à ses pieds, il gère un casino, s'occupe de couvrir sa femme de bijoux et d'or, caresse le doux espoir de voir un jour la famille s'élever dans la Rome du dessus, de voir les Macbeth prendre la place qui leur convient. L'ombre s'étend. (TROIS) Helsingor il était, Helsingor il n'est plus. S'il ne renie pas sa famille d'origine, Malvolio préfère les Macbeth, il préfère la nuit, le macabre et la vérité. (QUATRE) Il est dit qu'il la couvre de trop, qu'il la gâte, mais tout ce que fait Malvolio, il le fait pour elle. Jamais Andromaque ne manquera de rien avec lui à ses côtés. (CINQ) La Cour des Miracles était son idée. Elle est lieu propice aux plaisirs de la chair, à l'excès et aux chants païens que l'Eglise condamne. Le sang coule autant que le vin, l'argent circule et les cris de bonheur se mêlent aux rires. Sur son trône, Malvolio énerve la foule, lui promets plus de sang, plus de chants. Il est ici le Roi, un roi misère dans la pénombre. (SIX) La mort n'attend pas. La mort est l'affaire des seigneurs. Chacun le sait lorsqu'il bosse sous le commandement de Malvolio. Il n'est qu'un comptable, qu'un gérant, mais il est aussi la justice assassine. Les traitres passent au fil de ses couteaux. (SEPT) a l'ambition de prendre le contrôle de Rome (HUIT) Les femmes sont oracles, sorcières, déesses aux yeux de Malvolio. Pourtant, depuis son arrivée chez les Macbeth, il ne voit plus la nuit comme un moment de repos, ses songes le hantent, ils lui rappellent les noirs dons de sa femme, de celles qui l'entourent. La noirceur à un prix et il faut le payer. (NEUF) Ses familles croient en lui, elles lui accordent le droit de passage. Ainsi il tisse entre les Macbeth et les Helsingor. Qui trahiras-tu en premier Malvolio ? Qui subira le prix de tes actes ? (DIX) Il oublie chacun de ses soucis lorsque ses doigts habiles se mettent en mouvement. Il oublie la noirceur de son âme qui le ronge chaque nuit, il place ses sentiments du bout de ses ongles, il hurle à celui qui veut l'entendre le monstre qu'il est. Vive Malvolio, roi de la misère ! Vive Malvolio, amant de la nuit !

L'arme est pointée sur la tempe du jeune homme qui ahane tandis que Malvolio lui masse le haut du crâne de sa main ensanglantée. Il est recouvert du sang de celui qui le servait voilà encore quelques heures. Cependant, et depuis lors, les doutes du fier Macbeth ont permis de confirmer que ce jeune serviteur vendait des informations à des familles rivales. Il n'a nulle chance, car à l'heure qu'il est, l'Ide a déjà commencé. Le bras du Macbeth retombe le long de son corps tandis qu'il fait les cent pas autour du jeune servant, apeuré et tremblant, mouillant ses chausses, a raison.

Vois-tu, Raphaël, je t'aime bien. En toute honnêteté, tu me servais bien jusqu'à cette histoire te couvrant de honte. Le jeune homme tente de parler, de répondre à son maitre, mais il ne le peut, un revers de main de Malvolio l'envoie au sol, crachant son sang. Ne m'interromps pas ! Tu n'es pas là depuis longtemps, aussi ton erreur aurait pu être pardonnée si tu n'avais pas été accusé de nous vendre aux Montaigu, juste cela. Tu sais qui ils sont et ce qu'ils veulent à notre famille bien aimée, à ma femme et à moi. Malvolio passe sa main libre sur sa barbe, laissant une trainée rouge sur son visage. Pauvre enfant qui ne verra plus le jour. Malvolio fait danser l'arme autour du visage du jeune Raphaël, qui baisse les yeux tandis que son maitre continue.

Au loin des couloirs, on peut entendre le clapotis des gouttes d'eau qui tombent, on peut entendre les tambours de fête et les rires des miséreux venus danser pour Malvolio Macbeth et sa Cour des Miracles. Andromaque n'est pas là ce soir, à quoi bon se donner ainsi en spectacle ? Pense le comptable.

Raphaël, je te pardonne tes péchés et tes crimes. Puisses-tu connaitre une vie meilleure là où tu vas.

Avant que le jeune homme n'ait pris conscience des mots de son maitre, le coup de revolver résonne déjà dans les tunnels sombres des catacombes. Malvolio examine l'arme qu'il tient dans la main. Cette même arme qu'il compte utiliser lorsque viendra le tour de celui qui gouverne. De sa vie d'Helsingor, il ne retient que les choses utiles, aucun souvenir autre que celui des armes et des machines. Il tend le bras et examine la visée du canon. Parfaitement alignée. D'un mouvement de la main, il intime aux soldats dans l'ombre de balancer le corps dans l'égout qui passe à côté d'eux. Il passe sa main sur son front et s'ébouriffe. Si les Montaigu ont vraiment eut vent de ce qui se passe au Styx, il va falloir agir, et rapidement, être prêt pour la prochaine Ide, peut-être Andromaque aura-t-elle quelques idées pour cela, Malvolio n'étant guère le plus habile dans ce genre de raisonnements. Le problème étant réglé, le mari Macbeth range son arme dans le holster qu'il porte et s'approche d'une bassine d'eau, dans laquelle il se nettoie sommairement.

Pas un jour ne passe sans qu'il ne pense à ce qu'il fait pour les Macbeth, aux chiffres qu'il entre sur ses livres de comptes. Chaque jour il voit les hauts et les bas de la famille, du moins de sa branche. Si c'est sa famille d'origine qui tient en ce moment les rênes, cela ne peut durer, les Macbeth doivent sortir de l'ombre et prendre l'ascendant. Les Parques l'ont vu, il est l'heure que l'ombre s'étende sur la ville.